Annabelle Verhaeghe
Annabelle Verhaeghe fioregale
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Vidéos, sons, images et textes
Créé le: 13-03-2012
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La nostalgie des mondes parallèles
J'ai la nostalgie des mondes parallèles
Je voudrais vivre en 2D ou en 16/9ème, je ne sais pas bien
Ou juste avoir un bouton "test" que seule je pourrais actionner
Et une lumière rouge s'allumerait sur moi
Soit sur mon ventre soit sur mon front
Et ça me tiendrait chaud
Et ça me protègerait
Je pourrais alors soit sauvegarder ce que j'ai vécu soit revenir en
arrière, ne rien avoir fait, qu'on ne se souvienne pas de moi
et réessayer
et toujours je réessayerais
ma lumière rouge allumée
Et je serais pleine de souvenirs qui n'auraient plus eu lieu
Je connaitrais des gens qui ne me connaitraient plus
Et peut-être moi aussi on m'aurait testée et puis effacée
Je serais moi aussi un monde parallèle abandonné
J'ai la nostalgie des mondes parallèles
C’est une nostalgie à la con
La nostalgie des mondes où il n'y a pas eu d'empire romain
Des mondes où on voit à 360 degrés parce qu’on a des yeux à la place des oreilles
Des mondes où les humains vivent trois cent ans
Des mondes où personne ne croit en ce qu’il voit
Des mondes où les plantes sont douées de conscience
Des mondes où le temps cherche encore comment se caler
Des mondes où les vaches et les poules n’existent pas : adieux crêpes et omelettes
Des mondes où des catastrophes nous frapperaient sans cesse
Des mondes sans pétrole
Sans fer
Sans océans
Sans humains
J’ai la nostalgie des mondes imaginaires
-qui toujours sont parallèles-
-qui toujours sont inaccessibles-
-de l’autre côté du mur-
-de l’autre côté des immeubles, des rues, des appartements remplis et illuminés-
J’ai la nostalgie
J’aurais eu chaud en hiver avec ma lumière rouge
Clignotant au rythme de mes tempes
Et c’est sûr que j’aurais rien laissé, pas une trace, pas une empreinte
C’est pour ça
Que j’aime la nostalgie
-je me souviens et je ne change rien-.
L’espace libre entre les choses est fait d’herbe
L’espace libre entre les choses est fait d’herbe en général.
L’espace libre entre deux immeubles n’est pas toujours fait d’herbe, mais il devrait.
L’espace libre entre mes deux chaussures est fait d’herbe.
L’espace libre entre toi et moi est toujours fait d’herbe.
L’espace libre entre un Israëlien et un Palestinien est aussi fait d’herbe.
L’espace libre entre mes parents est fait d’herbe, mais elle aurait besoin d’un bon arrosage.
Et quand je dis l’espace libre entre les choses est fait d’herbe, je pense que l’air et le ciel et l’eau et le temps et les escargots et les gens nés du chaos et les pierres sont faits d’herbe,
parce que l’herbe prend le soleil
parce que l’herbe fait le farniente
parce que l’herbe est commune
parce que l’herbe veut s’hydrater
parce que l’herbe est nécessaire
parce que l’herbe sent bon quand on l’arrose ou qu’on la coupe
-il faut s’occuper de l’herbe pour avoir la belle pelouse-
parce que l’herbe s’infiltre partout
entre les immeubles et les arbres et les gens et les obus
parce que l’herbe pousse toute seule
parce que l’herbe est un des trucs les plus faciles à dessiner avec les nuages
et que si on me donnait des milliers de feutres verts je repeindrais tout
je les accrocherais sur moi comme des pics et je me frotterais à tout
en motif d’herbe
de haut en bas
et de bas en haut
et parce qu’il y aura toujours des gens qui voudront avoir de l’herbe dans l’espace entre les choses,
parce que ce qu’on cherche c’est avoir un jardin. Et quand on coule une dalle de béton on cherche encore là son jardin, on fait son jardin même avec le béton ou les graviers, on fait son jardin comme il est dans notre tête, mais si l’herbe n’y est pas est-ce qu’on a l’air et le ciel et l’eau et le temps et les escargots et les gens dans notre tête ? Car le béton n’absorbe pas le soleil car le béton n’est pas nécessaire car le béton ne s’infiltre pas on l’impose en risquant les poumons des gens car le béton ne sent pas bon même arrosé ou coupé et que le béton c’est trop moche pour être dessiné car le béton n’est pas vivant car le béton ne pousse pas tout seul car le béton est produit.
Et ce que je dis, c’est que ce qui est produit n’est pas du vivant. Pas encore. Le vivant est autre chose, le vivant est avant le produit, le vivant est fugace, le vivant fait des surprises. Surprise ! dit le vivant.
Les gens et l’herbe sont le vivant, et l’espace libre entre les choses est fait de vivant en général. De vivant qui se reproduit entre les choses et lui-même.
Car le vivant se reproduit sans cesse.
Et ça me donne envie de baiser.
Qu’il n’y ait plus d’espace libre entre les choses mais de l’herbe partout. Ça ça me donne grave envie. Ça et l’omniprésence lointaine et presque insoupçonnable du chaos qui est vivant, et peut surprendre comme la mort, en étant là vitesse téléportation.
Mais peut-être c’est moins intéressant théologiquement parlant.
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